lundi 13 août 2007

Changement de vision

La dernière fois je vous avais laissé en me questionnant sur ce que j’étais venue faire ici. Je suis venue pour aider dans un organisme humanitaire dans une région très défavorisée. J’arrivais avec une vision très naïve du rôle que j’aurais à jouer. J’imaginais presque une situation de crise ; tellement à faire qu’on ne sait plus ou donner de la tête, des gens venus chercher de l’aide et tout plein de ressources à ma disposition pour leur venir en aide. Les choses ne sont pas tout à fait comme je l’avais imaginé. Il était temps que je me réveille.

Pour commencer, nous ne sommes pas en situation de crise. Il n’y a pas vraiment de menaces d’insurrection rebelle pour le moment. Les gens vivent donc comme leurs parents vivaient avant eux et comme les parents de leurs parents. Les taux effarants de mortalité infantile et maternelle, de malnutrition et de pauvreté, ils ne datent pas d’hier. Ils font partie de la vie ici. Les gens ne se bousculent donc pas aux portes pour demander de l’aide. Surtout que la véritable aide serait de faire de la prévention alors que les choses ne vont pas mal… Bien sur, quand un programme d’aide est mis sur pied, ils sont nombreux à venir voir s’il n’y aurait pas moyen d’améliorer leur sort, usant parfois de ruses pour mieux répondre aux critères du programme. Donc, pas de gestion de crise…

Ensuite, viennent les préjugés. Pas une journée ne passe sans qu’on ne me demande de l’argent. C’est dans l’ordre des choses, l’homme blanc a de l’argent et l’homme blanc donne son argent parce qu’on le lui demande indépendamment des besoins ou de ce que l’on pourrait faire pour mériter cet argent. C’est presque un privilège acquis que celui de recevoir du blanc. Et on demande toujours plus. C’est la culture du don. Heureusement, tous ne pensent pas comme ça. Ils sont déjà trop nombreux à le faire.

Encore pire que cette culture du don, il y a ce préjugé de la supériorité blanche. Le blanc sait. Après avoir consulté le médecin local, certaine femme viennent me montrer leur enfant et les médicaments qui leur a été prescrits pour me demander de vérifier le travail du médecin. Mais ce sont eux les spécialistes !!! Ce sont eux qui connaissent ces pathologies auxquelles nous, nous ne sommes jamais confrontés en Occident. Et ce ne sont pas que certains malades qui ont ces préjugés. Certains professionnels de la santé limitent les décisions qu’ils ont à prendre dans certains cas, cherchant à connaître avant tout l’avis d’un collègue blanc. Ce préjugé mine leur confiance en leurs propres capacités et restreint leur sens de l’initiative.

De par mes gestes, je ne veux pas encourager ces préjugés et me présenter comme celle qui sait et qui donne (des dons en argent, c’est vite dépensé et ça ne permet pas souvent d’améliorer le sort de façon durable.)

Il y a aussi le fait que je ne sais rien, ou si peu. Ma formation est très axée sur le diagnostic mais quand on arrive à décider du traitement… J’identifie les situations ou une intervention doit être fait mais je ne sais pas intervenir. L’aide que je peux apporter du point de vue strictement médical est très limitée.

Finalement, il y a la question du temps. Je ne suis que de passage ici. Si je mets des éléments en place, qui assurera la continuité ? Et comment déterminer ce qui mérite d’être mis en place alors que ma compréhension de leur culture, de leur religion et de leur façon de vivre est très incomplète malgré ma bonne volonté d’apprendre ?

La question se pose donc : Qu’est-ce que je suis venue foutre ici ???

Pour répondre à la question, j’ai du retourner à la source. Je suis ici parce que j’aime. J’aime découvrir l’autre. J’aime partager des sourires et essayer de faire sourire les gens. Je suis venue ici pour aimer les gens que je rencontre. Ces enfants meurtris, malnutris ou orphelins, ils méritent encore plus qu’on les aime et c’est ce que je suis venue faire ici.

Mon expérience ici sur le terrain m’a également montré à quel point il peut être ardu de mettre sur pied une organisation humanitaire. A tous les jours, il y a de nouveaux obstacles à franchir. Je peux donc servir de support pour ceux qui ont décidé de dédier leur vie à une cause qu’ils ont choisie. Je pense ici à Sophie, la représentante de l’AAG, et je pense aussi à tous ceux que j’ai rencontré et qui donne de leur temps pour donner un coup de main.

Mes connaissances médicales sont limitées mais j’ai tout de même des connaissances. Ma formation m’a permis d’être très axée sur la prévention. J’ai aussi des compétences (quoique limitées) en informatique. On m’a aussi appris quelques notions en matières d’organisation. Tout le peu que je sais, je suis prête à le partager. Et je parle bien de partage. Ce qui implique de ne pas imposer et de s’attendre à une réciprocité.

Finalement, je suis la pour voir. J’ai cet immense privilège d’être accueillie ici, dans cette réalité tellement différente de ce que je connaissais. Peu de gens auront ma chance. Je suis donc ici pour voir et pour raconter par la suite.

J’ai trouvé un sens à ce que je suis venue faire ici : aimer, épauler les gens qui font déjà un travail exceptionnel, partager et témoigner…

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Marie-Eve,
Tout ce que tu dis est juste. A Gao il y a beaucoup de profiteurs que l'on peut qualifier de parasites. En revanche, d'autres êtres souffrent dans le silence et la discrétion. A nous de savoir les discerner. Avec les adultes ce n'est pas forcément facile, ils sont rusés. Les enfants, les tout-petits au contraire sont des innocents qui ne trichent pas; ils ont besoin que l'on porte un regard sur eux et qu'on leur tende la main. L'intérêt des enfants, c'est d'abord l'unique raison de notre mission.
Merci à toi d'aider Sophie dans ses efforts.
Amitiés et courage.
Denise

Anonyme a dit…

Te connaissant Chère Marie-Eve, j'étais convaincue que tu trouverais très vite un sens à ta venue à Gao. En plus de toutes tes qualités qui font de toi une jeune femme exceptionnelle, tu fais partie de ces personnes qui ont une capacité d'adaptation hors du commun; si bien que ton séjour auprès de Sophie, si bref soit-il, sera très apprécié; ton aide, tes gestes et actions ne seront jamais vains. Prends bien soin de toi ! Au plaisir de te lire ... Bisous,
Jocelyne

Thomas Gerardin a dit…

A little cheesy perhaps?

Probablement plus en raison du médium que du contenu du propos.

;)

Intéressant néanmoins.